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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 15:28

 

http://www.rue89.com/2011/08/28/11-septembre-la-cia-savait-mais-pourquoi-na-t-elle-rien-fait-219417

 

Onze septembre : la CIA savait, mais pourquoi n’a-t-elle rien fait ?

 

Dans son livre, le journaliste Fabrizio Calvi montre que les attentats auraient pu être évités si le FBI avait été averti. Extraits.  

 

Dix-huit mois avant les attaques du 11 septembre 2001 la CIA suivait deux des futurs pirates de l'air, les Saoudiens Khalid al Mihdhar et Nawef al Hazmi. Elle savait qu'ils étaient aux États-Unis et a tout fait pour empêcher le FBI de le découvrir.

 

Dix ans après les attaques, l'ancien responsable de l'antiterrorisme de la Maison Blanche, Richard Clarke, pose une question essentielle :

 

« Pourquoi la CIA n'a-t-elle pas prévenu le gouvernement américain de la présence sur notre sol de deux agents d'Al-Qaïda réputés dangereux ? C'est un des grands mystères du 11 Septembre. »

 

De nouveaux éléments recueillis au terme d'une enquête de trois ans permettent cependant d'affirmer que cette surveillance était une opération majeure de la CIA contre Al Qaeda.

 

Décembre 1999, Yémen : l’ordre de Ben Laden

 

Tout commence en 1998, avec l'écoute de conversations téléphoniques d'une maison de Sana'a, capitale du Yémen, par les services de renseignements américains. La maison abrite une « centrale de la terreur » d'Al Qaeda, Les djihadistes y prennent des instructions et laissent leurs messages. Ben Laden et ses proches ont appelé ce numéro plus de deux cents fois entre 1996 et 1998.

 

Fin décembre 1999, les services américains enregistrent un appel en provenance d'Afghanistan. Ben Laden donne l'ordre à « Khalid » et « Nawaf » de se rendre à Kuala Lumpur en Malaisie pour prendre part à une réunion importante.

 

Une nouvelle enquête sur le 11 septembre

 

L'article de Fabrizio Calvi que nous publions est développé dans trois des chapitres du livre de son livre, « 11 Septembre, la contre-enquête », paru aux éditions Fayard.

 

« Alec Station », l'organisme de la CIA chargé de traquer Ben Laden, identifie Khalid al Mihdhar et Nawaf al Hazmi. La traque commence.

 

Le 5 janvier 2000, Khalid al Mihdhar est repéré à l'aéroport de Dubaï. Avant même qu'il n'embarque, la photocopie de son passeport est envoyée au siège d'Alec Station.

 

Le Saoudien possède un visa d'entrée pour les Etats-Unis. La photocopie est communiquée à Marc Rossini et Doug Miller, deux agents de liaison du FBI en poste au sein d'Alec Station. Ils rédigent un rapport à l'attention du Bureau, concernant l'arrivée imminente du terroriste aux Etats-Unis.

 

Mais le numéro deux d'Alec Station, Tom Whilshire, leur interdit de l'envoyer leur rapport. Placés sous l'autorité de la CIA, ils sont obligés d'obéir.

 

Marc Rossini proteste et demande des explications. « Quand nous voudrons informer le FBI, nous le ferons », lui répond une responsable de la CIA.

 

Janvier 2000, Malaisie : la réunion de Kuala Lumpur

 

La CIA intervient tout de même. Par manque de temps, elle alerte son homologue, la Special Branch malaise.

 

Les agents malais suivent le terroriste jusqu'à un luxueux appartement de la banlieue de Kuala Lumpur, propriété d'un riche homme d'affaire proche d'Al Qaeda, où se déroule une réunion présidée par Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau des attaques du 11 septembre.

 

But de la rencontre : finaliser deux attaques, celle contre l'USS Cole au Yémen, et celles du 11 septembre.

 

Les agents de la Special Branch suivent les deux terroristes et assistent à leur départ pour Bangkok le 8 janvier. Une équipe de la CIA se rend à l'aéroport d'arrivée, où elle perd leur trace.

 

Au QG d'Alec Station, les agents du FBI ne comprennent toujours pas pourquoi la CIA leur interdit d'informer le Bureau de l'arrivée imminente des deux terroristes aux Etats-Unis. « J'étais très inquiet », dit Marc Rossini :

 

« Je savais qu'ils allaient arriver et que ça ne serait pas une visite touristique. J'avais compris que leur voyage faisait partie du show à venir. Je me demandais “Que viennent-ils faire ici ? Que veulent-ils ? ” Mais je ne pouvais rien faire. »

 

L'agent du FBI Doug Miller rédige un nouvel e-mail à l'attention de Tom Wilshire, demandant au numéro 2 d'Alec Station de lui donner par écrit les raisons qui l'ont amené à bloquer le rapport du 5 janvier 2000 destiné à alerter le FBI. Il n'obtient pas de réponse.

 

Mars 2000, Los Angeles : les deux kamikazes s’installent

 

Les deux djihadistes arrivent à Los Angeles ce même jour. Ils sont pris en charge par Omar al-Bayoumi, un ancien employé du ministère de la Défense saoudien que l'on dit proche des services secrets saoudiens. Ce dernier leur offre l'hospitalité et les introduit dans la communauté musulmane de San Diego, où il réside.

 

Là, les deux Saoudiens prennent des cours d'anglais et s'inscrivent pour suivre des cours de pilotage. Ils ne se cachent pas : leur nom figure dans l'annuaire de la ville.

 

Au début du mois de mars 2000, les analystes d'Alec Station reçoivent un message de la CIA de Bangkok, qui s'est aperçue avec deux mois de retard que Khalid al Mihdhar et Nawaf al Hazmi sont partis pour Los Angeles.

 

A compter de ce moment, la CIA sait officiellement que deux djihadistes sont aux Etats-Unis. Pourtant, l'équipe concernée n'avertit toujours pas le FBI. Les agents détachés auprès d'Alec Station n'ont pas accès au message de la CIA de Bangkok, alors qu'ils auraient dû.

 

Mai 2000, Arabie Saoudite : un visa pour le terroriste

 

A la fin du mois de mai 2000, Khalid al Mihdhar quitte les Etats-Unis pour se rendre au Yémen et en Afghanistan. Son but : recruter les membres des commandos qui doivent s'emparer des avions. Nawaf al Hazmi reste à San Diego où d'autres pirates du 11 Septembre doivent le rejoindre.

 

Les autres pilotes kamikazes et les hommes de mains arrivent aux Etats-Unis, fin 2000 début 2001. Tous sont munis de visas d'entrée, leurs passeports sont à leur vrai nom. Presque tous suivent des cours d'aviation.

 

En mai 2001, Khalid al Mihdhar retourne en Arabie Saoudite. Il voyage sous son vrai nom et présente son vrai passeport, qui porte un signe distinctif invisible à l'œil nu, réservé aux terroristes dangereux à suivre de près. Les Saoudiens savent qu'il est membre d'Al Qaeda et l'ont dit aux Américains.

 

Khalid al Mihdhar déclare ses papiers volés : le passeport dont il se sert porte des tampons afghans et yéménites récents qui risquent d'attirer l'attention des Américains. Le premier juin 2001, il obtient un nouveau titre de voyage muni de l'indicateur le désignant comme terroriste.

 

Pour une raison que l'on ne s'explique pas, il n'a pas de date d'expiration. Personne ne s'aperçoit de l'anomalie, qui rend caduc le document, et surtout pas l'agent consulaire américain, qui lui accorde un visa d'entrée pour les Etats-Unis le 13 juin 2001.

 

Khalid al Mihdhar n'aurait jamais dû avoir de visa américain. Outre le sigle terroriste et l'absence de date d'expiration du passeport, son formulaire de demande de visa est incomplet : il a omis des indications importantes.

 

Il ment en affirmant n'avoir jamais reçu de visa américain et ne s'être jamais rendu aux Etats-Unis, alors que ce même consulat lui a délivré un visa en décembre 1999. Mais l'agent consulaire chargée du dossier, ne relève aucune irrégularité.

 

Juillet 2001, Washington : la CIA s’alarme

 

Pendant ce temps, la CIA tire la sonnette d'alarme et fait savoir partout qu'elle s'attend à une attaque majeure. Le 10 juillet 2001, le directeur de la CIA George Tenet rencontre Condoleezza Rice, conseillère pour la Sécurité nationale du président Bush. Tenet est accompagné du responsable d'Alec Station, qui annonce :

 

« Il y aura des attaques spectaculaires dans les mois ou dans les semaines à venir. Elles auront lieu simultanément et provoqueront des dégâts massifs. Les attaques viseront les intérêts américains, peut-être même auront-elles lieu aux Etats-Unis… »

 

Pour résumer, la CIA sait avec certitude dès les mois de juillet 2001 que Khalid al Mihdhar et Nawaf al Hazmi sont aux Etats-Unis pour participer à une attaque majeure d'Al Qaeda. Mais il lui reste encore bien des choses à découvrir.

 

Le numéro deux d'Alec Station, Tom Wilshire, a été détaché auprès du quartier général du FBI pour servir de liaison. Peut-être est-il aussi là pour s'assurer qu'il n'y a pas de fuites concernant les informations sur le sommet de Kuala Lumpur ?

 

Il est en tout cas obsédé par cette rencontre. A la fin du mois de mai, il a demandé à Margaret Gillespie, une analyste du FBI, de passer en revue ce dossier et de vérifier que rien n'a échappé aux officiers de la CIA.

 

Margaret Gillespie n'a pas accès à la totalité des informations de la CIA. Tom Wilshire ne lui dit pas qu'au moins deux des participants, Khalid al Mihdhar et Nawaf al Hazmi, sont aux Etats-Unis. Il ne confère aucun caractère d'urgence à cette recherche.

 

Août 2001, Washington : le déclic d’un agent du FBI

 

Le 21 août 2001, à son retour de vacances, Margaret Gillespie tombe enfin sur le rapport d'Alec Station faisant état de l'arrivée des deux djihadistes aux Etats-Unis plus d'un an auparavant. Dans les heures qui suivent, elle apprend deux nouvelles inquiétantes.

 

Nawaf al Hazmi est toujours aux Etats-Unis, où il a pris plusieurs fois des vols internes. Khalid al Mihdhar est rentré aux Etats-Unis le 4 juillet 2001, et n'en est pas reparti.

 

« C'est là que j'ai eu le déclic », dira par la suite l'agent du FBI. Le lendemain, elle fait part de sa découverte à Tom Wilshire. Cette fois, ce dernier ne peut plus bloquer l'information. Le FBI ouvre enfin une enquête.

Mais les choses ne se passent pas comme elles le devraient.

 

L'enquête est classée « routine », c'est-à-dire qu'elle ne comporte aucun caractère d'urgence. Nawaf al Hazmi et Khalid al Mihdhar sont placés sur les listes des terroristes à interpeller… aux frontières. Mais personne n'alerte les autorités aériennes civiles, les seules à disposer d'une liste de surveillance réservée aux vols internes.

 

Septembre 2001, New York : l’enquête de la dernière chance

 

Le 23 août 2001, le FBI de New York est chargé de localiser les deux Saoudiens. Mais l'affaire est confiée à un agent inexpérimenté, à peine sorti de l'école. C'est sa première enquête, il ne connaît rien à Al Qaeda. Il prend connaissance de la demande le 28 août 2001, note qu'elle est classée « routine ». L'agent du FBI commence à travailler sur les deux terroristes le 4 septembre 2001.

 

Il est la dernière chance d'arrêter les attaques.

 

L'agent du FBI interroge les banques de données des polices américaines. Il aurait dû y trouver la trace des terroristes, repérés après avoir commis des excès de vitesse. Le dernier signalement en date porte sur une voiture qu'ils ont louée le 28 août 2001. Que l'agent du FBI le voit, et il est en mesure de remonter jusqu'aux deux terroristes et tout s'arrête. Mais il ne le voit pas.

 

L'agent du FBI ne trouve pas non plus trace de Khalid al Mihdhar et Nawaf al Hazmi dans les bases de données des cartes bancaires. Or, au début du mois de septembre, les djihadistes ont acheté des billets d'avions sur le vol 77 de l'American Airlines pour la date du 11 septembre 2001.

 

L'agent du FBI n'a donc pas pu empêcher Khalid al Mihdhar, Nawef al Hazmi et trois autres djihadistes, d'embarquer à bord du vol AA 77 pour le précipiter contre le Pentagone.

 

Après l’attentat, les doutes de Richard Clarke

 

A l'époque, Richard Clarke, coordinateur national pour la Sécurité, supervisait toutes les opérations antiterroristes depuis la Maison Blanche. Il aurait dû être informé de l'arrivée aux Etats-Unis des deux Saoudiens :

 

« La CIA savait qu'ils étaient aux Etats-Unis et ils ne m'ont pas prévenu. Ils n'ont pas prévenu le FBI. Après le 11 Septembre, quand j'ai appris ça, j'étais indigné, j'étais fou de rage. J'ai essayé de trouver des excuses, je me suis dit qu'ils allaient trouver une excuse. »

 

Depuis, Richard Clarke a mené sa propre enquête.

 

« Maintenant, je sais que toutes les personnes responsables du contre-terrorisme de la CIA étaient au courant, à commencer par le directeur.

 

Cinquante personnes étaient au courant ! Cinquante ! Et ils l'ont su pendant un an. Et pas une seule fois pendant cette année ils ne m'ont averti ou n'ont averti le directeur du FBI. Ces cinquante personnes se sont tues pendant plus d'un an. Ça, c'est un petit peu plus qu'une coïncidence.

 

Je ne veux pas échafauder de théories conspirationistes. Mais j'aimerais trouver une explication. La Commission d'enquête sur le 11 septembre n'en a pas trouvé. Le directeur de la CIA m'appelait régulièrement pour me communiquer des informations banales. La CIA m'abreuvait d'information par écrit et par oral. »

 

George Tenet a démenti toute dissimulation

 

Après les attaques du 11 Septembre, Clarke a essayé d'obtenir une réponse du directeur de la CIA, George Tenet. En vain. Il a demandé à Dale Watson qui s'occupait du contre-terrorisme au FBI comment aurait réagi le FBI s'il avait su que deux dangereux terroristes étaient arrivés aux Etats-Unis. Dale Watson lui répondu : « On aurait mis leur photos partout, on les aurait fait circuler sur Internet. »

 

« Je lui ai alors demandé qu'elle aurait été la possibilité d'arrêter ces deux types », explique Richard Clarke. « Il m'a dit : cent pour cent » Et les attaques du 11 septembre n'auraient jamais eu lieu…

 

Face aux accusations de Richard Clarke, le directeur de la CIA d'alors George Tenet et ses deux plus proches collaborateurs ont publié le 12 aout 2011 un démenti affirmant que la CIA n'a dissimulé aucune information et rejettent la faute sur des employés subalternes et sur… des agents du FBI.

 

Le 26 août 2011 on apprenait que la CIA a fait censurer avant publication le livre de révélations à paraître d'un des plus brillants agents du FBI, Ali Soufan qui avait lui aussi tenté en vain d'obtenir des informations sur la réunion de Kuala Lumpur dès janvier 2001

 

Des hypothèses sur les raisons d’un tel fiasco

 

Que s'est-il passé ? Pourquoi la CIA a-t-elle tout fait pour empêcher le FBI de découvrir la présence aux États-Unis de Khalid al Mihdhar et Nawef al Hazmi ?

 

Tous les protagonistes de l'affaire que j'ai eu l'occasion d'interroger (principalement des agents du FBI) se posent des questions sur le seul grand mystère du 11 Septembre, et hasardent des hypothèses pour expliquer les manœuvres occultes de la CIA en 2001.

 

L'agence aurait-elle essayé de recruter certains des pirates de l'air ou leurs proches ?

 

On sait avec certitude que la CIA a tenté des manœuvres d'approche à deux reprises (à Kuala Lumpur et à Hambourg) auprès de comparses des djihadistes du 11 septembre.

 

On sait que les dix neuf djihadistes se sentaient surveillés lors de leurs déplacement à l'intérieur des Etats-Unis avant le 11 septembre 2001.

 

Les silences de la CIA sont-ils destinés à protéger une source proche des assaillants ? Aurait-elle été victime d'un agent triple ? Ce ne serait pas la première fois.

 

Les réponses à ces questions sont cruciales pour comprendre l'événement le plus considérable de ce début de siècle. La somme des mystères de Kuala Lumpur ne fait pas une conspiration, mais en refusant de s'expliquer, les dirigeants de la CIA nourrissent les théories les plus folles.

 

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